12/07/2022
Verlaine expliqué
: Romances sans paroles

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VERLAINE : Spleen (Rsp Aquarelles 1873) Romances sans paroles


Tristesse


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Poème : Spleen

" Spleen" est le 2ème poème de la 3ème et dernière section "Aquarelles" de "Romances sans paroles "


La section comprend 7 titres aus noms anglais, Street (rue), Green (vert), child wife (femme enfant), a poor young sheferd (un pauvre jeune berger), beams (rayons).

La liste des poèmes de "Romances sans paroles"

Les roses étaient toutes rouges, 
Et les lierres étaient tout noirs. 

Chère, pour peu que tu te bouges, 
Renaissent tous mes désespoirs. 

Le ciel était trop bleu, trop tendre 
La mer trop verte et l'air trop doux.

 Je crains toujours,- ce qu'est d'attendre! 
Quelque fuite atroce de vous. 

Du houx à la feuille vernie 
Et du luisant buis je suis las, 

Et de la campagne infinie 
Et de tout, fors de vous, hélas!

Résumé :
Spleen, terme anglais désignant la mélancolie est comme tous les poèmes de "Romances sans paroles" construit autour de deux leitmotive, l'intériorité d'une part avec la confidence amoureuse (Chère, pour peu que tu te bouges,) et d'autre part l'évocation des paysages. Verlaine évoque les décors qu'il traverse avec une technique impressionniste, il aurait aimé être peintre. Des roses rouges, des lierres qui grimpent sur les murs, le ciel bleu, la mer verte, le houx très vert avec ses feuilles piquantes, le buis des haies qui entourent les maisons, sont les images familières de Verlaine.
C'est cette technique subtile, confidence amoureuse, paysages qui fait toute la subtilité de ce recueil et de ce poème. Verlaine dépeint les images dans leur aspect instatané, la rose n'est pas rose, mais rouge, la couleur de la passion amoureuse. En dépeignant les images il veut faire partager au lecteur l'impression qu'elle ont une action sur sa sensibilité. Le lierre qui s'accroche est l'image de la liaison amoureuse durable, la rose, une liaison amoureuse intense, le houx renvoie à la fête de Noël, aux cadeaux, mais aussi à la couleur verte, l'espoir, la jeunesse. Les feuilles de houx possèdent un feuillage épineux assimilé à l'approche amoureuse difficile. Le buis utilisé dans les palissades qui entoure les maisons a un role protecteur, se protéger des regards, vivre en intimité.

Plan de commentaire composé
Introduction
I-l'ambivalence féminine
II-les excès et la démesure de la nature
III-un rapport douloureux au temps



Spleen est le second poème de la quatrième et dernière section "Aquarelles" de "Romances sans paroles. Ce poème comme tous ceux d"Aquarelles" rappelle un séjour londonien de Verlaine en septembre 1872. Verlaine veut également rendre hommage au poète des "Fleurs du mal" qu'il admire. Le recueil suit « Birds in the Night » qui évoque la rancœur de Verlaine pour sa femme, teintée de regret pour cet amour qui n’est plus. La section « Aquarelles », a été composée après une séparation suivie d’une réconciliation avec Rimbaud alors qu'il hésite encore entre la volonté de se réconcilier avec Mathilde "Chère, pour peu que tu bouges" et l’amertume de cet amour "renaissent tous mes désespoirs". Verlaine reprend un titre cher à Baudelaire "Spleen" dont quatre poèmes ont ce titre. Si le "Spleen" de Baudelaire est un dégoût de l'existence, un enfermement, où se mêlent angoisse et ennui "Quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, sur l'esprit gémissant en proie aux longs ennuis", le "Spleen" verlainien est une lassitude, une mélancolie, une attente interminable de bon vouloir, une peur de perdre son épouse, son fils, la peur de l'échec amoureux. Le poème entrelace de façon originale et en alternance des notations descriptives qui évoquent les éléments d'un paysage et un semblant de dialogue qui retrace l'inquiétude d'une relation amoureuse du poète dont il refuse les aveux.

I-L'ambivalence féminine

Le "Spleen" de Verlaine est lié à l'ambivalence de la femme avec laquelle il a entretenu une liaison amoureuse. Celle-ci est à la fois proche avec l'emploi du tutoiement, "tu te bouges", la familiarité affectueuse avec une pointe de moquerie, "Chère" qui dénote également une personne aux méthodes précieuses, aristocratiques, puis lointaine avec le vous dans "quelque fuite atroce de vous" puis "fors de vous". Ambivalente, la femme l'est également en suscitant attirance et rejet, séduction et menace. Les deux premiers vers qui jouent sur la couleur rouge de la passion et noire de la mort, rappelle le roman de Stendhal, et donne le ton au poème.

II-Les excès et la démesure
Verlaine ne se contente pas de prendre le titre à Baudelaire, il en prend également les correspondances. Par un jeu subtil on assiste dans ce poème à un tourbillon de sensations olfactives, visuelles dans une sorte de langoureux vertige amoureux. Verlaine met ici en surimpression sa situation actuelle de mari qui a peur d'être délaissé, "Je crains toujours" avec une série de souvenirs, le ciel bleu, la tendresse, les roses que l'on offre à son amoureuse, les lierres qui grimpent sur les maisons comme pour les cacher, le houx de Noël, les haies de buis qui entourent les jardins pour les protéger des regards, la campagne à perte de vue, heureuse. Mais cette nature inverse les qualités en défauts à travers une série d'adverbes d'intensité, "toutes rouges", "tout noirs" ou de dépassement, "trop bleu", "trop tendre", "trop verte", "trop doux". Cet excès dans la démesure, ce rejet de la nature, s'amplifie dans les trois derniers vers en anaphore avec la conjonction "et" chère à Verlaine qui accentue le dégout et l'ennui. La distorsion de la syntaxe, avec un désordre apparent des termes comme l'adjectif luisant précédant de façon inhabituelle le substantif ajoute une note d'excès intolérable. Le sentiment de malaise, d'excès, suscité par le paysage se retrouve dans le rapport à la femme. Par le jeu des correspondances, le noir des lierres renvoie au désespoir et ajoute une dimension psychologique négative à la sensation visuelle de noirceur. Les adjectifs tendres et doux sont contaminés par le contexte "Quelque fuite atroce de vous" et suggèrent que la douceur, la tendresse peuvent être trompeuses et masquer la pire des trahisons. Les sentiments, les désespoirs, terme amplifié par le pluriel, sont ainsi, par l'exemple de la nature en excès, en démesure, exacerbés jusqu'à l'intolérable. Le malaise s'accroit dans le dernier distique lorsque le poète déplore l'amour, l'attirance qu'il continue d'éprouver pour la femme "fors de vous" (sauf de vous). Il y a un décalage entre le rythme binaire, léger de ce poème avec une référence constante au chiffre deux et la réalité d'une situation amoureuse vécue comme une souffrance atroce.

III- Un rapport douloureux au temps
Outre la difficile relation avec la femme, un être énigmatique et dangereux, le spleen implique un rapport étroit avec le temps passé. Si le passé a été invivable, c'est parce qu'il est attaché à l'excès, "l'air était trop doux", "le ciel était trop bleu, trop tendre", comme à la monotonie avec la répétition des adverbes. Le présent est vécu comme une attente insurmontable ou un ennui né de la prévisibilité d'évènements toujours identiques et répétitifs. Le futur contient les menaces d'éventualités redoutables comme le départ de la femme. Si l'origine du mal est clairement désignée, un paysage, une femme, certains éléments du poème demeurent ambigus comme l'exclamation "-Ce qu'est d'attendre". Le poète ne veut pas dévoiler si l'abandon de la femme serait pour le poète ce qu'il redoute le plus ou ce qu'il espère.

Conclusion

Avec ce poème "Spleen", on retrouve de toute évidence ce que Verlaine a puisé chez Baudelaire, en dehors du titre, la poésie du temps fatal, d'une destinée inexorable, bonne part de malheurs et bonne part de bile, une fatalité à la fois extérieure, et intérieure. Verlaine énumère ici sans transition des images, et dialogue avec elles comme avec la femme qui menace de l'abandonner. On y retrouve toute son inquiétude du moment présent constamment investi par le souvenir et par l'attente.

Vocabulaire
Fors
Vieille préposition signifiant excepté. Je suis las, fors de vous. Je suis las, sauf de vous.


Rythme binaire
Le poème est composé de de 6 distiques, strophes de 2 vers, comme 2 amoureux, en octosyllabes, en référence au chiffre 2 ou la parité pour l'octosyllabe. Beaucoup de mots ont deux syllabes, roses, rouges, lierres, chère, tendre, verte, fuite, feuille, campagne, infinie. La parité se retrouve également dans les rimes avec une alternance des rimes masculines et féminines, rouges/noirs, bouges/espoirs. Le chiffre 2 symbolise la relation amoureuse. Il y a aussi une alternance des distiques impaires évoquant la nature avec les distiques paires évoquant la relation entre la femme et le poète amant.
Le Rouge et le Noir
Roman de Stendhal publié en 1830, inspiré de l'affaire Berthet. L'action se passe dans la petite ville de Verrières du département du Doubs. Un jeune homme timide, Julien Sorel, 3ème enfant d'un propriétaire d'une scierie, devient précepteur des enfants du maire de la petite ville, Monsieur de Rênal. Une liaison a lieu entre Julien et Elisa, l'épouse du Maire, qui le renvoie. Il multiplie ensuite les liaisons et suscite la vengeance chez ses anciennes maitresses. Il tire sur Elisa Rênal et sera condamné à mort. Elisa de Rênal, toujours amoureuse, le visitera souvent en prison et mourra 3 jours après lui.
Les lierres étaient tout noirs
Y-a-t-il une faute d'orthographe ?
Non, tout est adverbe, le plus souvent invariable quand il est placé devant un adjectif , ce qui est le cas ici.
Exemples donné par le BLED page 58 :
-Les enfants ont des sacs tout neufs (tout=tout à fait).
-Tout adroits qu'ils sont, ils ratent le but (tout=si).
Le lierre n'est pas une plante parasite, son feuillage est vert, ses baies, bleutées deviennent ensuite noires. Les lierres peuvent être tout à fait noirs s'il y a une abondance de baies ou à la mort du feuillage.
Bouger
Faire un geste.
Pour peu que tu te bouges=pour peu que tu me fasses un geste. Il n'y a pas forcément une idée de déplacement. Familièrement se remuer, s'activer. Bouge-toi !

ROMANCES SANS PAROLES
ARIETTES OUBLIÉES
I. C'est l'extase langoureuse.
II. Je devine, à travers un murmure.
III. Il pleure dans mon coeur.
IV. Il faut, voyez-vous, nous pardonner les choses.
V. Le piano que baise une main frêle.
VI. Cést le chien de Jean de Nivelle.
VII. 0 triste, triste était mon âme.
VIII. Dans l'interminable.
IX. L'ombre des arbres dans la rivière embrumée.

PAYSAGES BELGES
Walcourt
Charleroi
Bruxelles. Simples fresques
Bruxelles. Chevaux de bois.
Malines
BIRDS IN THE NIGHT (long poème un peu à part, peut être considéré comme une section à lui tout seul)

AQUARELLES
Spleen
Steets
I-dansons la gigue !...
II-Ô la rivière dans la rue !...
Child Wife
A poor Young Shepherd
Beams



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