12/07/2022 |
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VERLAINE : L'échelonnement des haies(1875 Stickney) Sagesse III/XIII | ||
Précisions : Stickney, 75.
I-Désormais le sage puni Le poème "L"échelonnement des haies" est un impression de Verlaine sur la campagne anglaise. Verlaine est libéré de prison le 17 janvier 1875 et après des tentatives infructueuses de retrouver Mathilde s'envole en avril pour l'Angleterre où il a obtenu un poste de professeur de français, latin, grec et dessin à la grammar school de Stickney dans la campagne au nord de Londres à proximité de la mer. Il écrit ce poème sur ce paysage de prairies, de cheveaux, de moutons et de pluie lors d'un voyage depuis la route. I-La construction d'un paysage Il n'y a pas chez Verlaine de frontière entre le paysage et les états d'âme, entre la pluie et les larmes. Les sentiments ne sont pas décrit mais projetés sur les choses. Ce poème est extrait du recueil "Sagesse", recueil qui sera publié en 1880, soit cinq ans plus tard. C'est un poème en vers impairs, des heptasyllabes, vers de 7 pieds. Ici la faible longueur du vers ne donnent que peu de décalages entre le mètre et la syntaxe, de rares enjambements, claire avec la mer, douces de aussi. Il n'y a pas de rejet ou de contre rejet qui donnerait au poème une ambiguité sémantique ou grammaticale. Ici, Verlaine, il l'a par ailleurs écrit et dessiné reproduit sa vision depuis une route, dans un moyen de transport de carrés de terre entourés de haies dans lesquelles paissent de nombreux moutons. "L'échelonnement des haies moutonne à l'infini" est une phrase simple, aussi célébre en poésie que "Elle est debout sur mes paupières", ou "La terre est bleue comme une orange" de Paul Eluard. L'échelonnement des haies renvoie à l'image d'une échelle délimitée avec des barreaux, des échelons, un espacement de distance en distance. La notion d'infini est suggérée par la multiplicité des prairies dans lesquelles paissent les brebis qui défilent pendant son voyage. Chacun peut avoir la même vision depuis lle train. Les haies qui entourent les prairies dans lesquelles paissent les moutons sont composées défilent sous le regard de Verlaine depuis la route. Stickney est situé en pleine campagne et spécialisé dans l'élevage des moutons et des chevaux. Verlaine compare cette monotonie de paysage de taches blanches à une mer claire, nous sommes au printemps mais il y a peu de brouillard, habituel dans cette région au Nord de Londres proche de la mer. On peut supposer que les arbustes des haies sont en fleurs, certains de couleur blanche dessineraient des moutons qui viendrait s'ajouter aux moutons bien réels parqués dans les paturages. Verlaine, on le sait est aussi un peintre qui procède ici par petites touches pour reconstituer son paysage familier de la campagne anglaise avec ses chevaux et ses moutons. Ce poème, on le sait a été écrit, le soir, lorsque les animaux rentrent à leur bergerie, sont en mouvement. Verlaine utilise le verbe moutonner à dessein. Il souhaite avant tout reconquérir, une fois de plus, le coeur de Mathilde, avec ce recueil "Sagesse" qui lui est destiné. Moutonner renvoie aussi aux déplacements collectifs des moutons nombreux mais regroupés et qui vu depuis la route lui donne l'aspect d'une mer agitée couverte d'écume, une mer claire car la couleur blanche est dominante. Si le moutonnement est bien réel ici puisque des moutons composent le paysage, il apparait également se refléter dans le ciel couleur de lait et donne à, son tableau une profondeur, une réalité surprenante. Avec l'emploi de moutonner, mouton et plus loin de brebis, Verlaine veut également nous faire comprendre qu'il est revenu à la normalité, qu'il ne dépasse plus des autres, qu'il est devenu docile comme le mouton et a retrouvé la blancheur, la pureté et la douceur de son lainage. II-La douceur du paysage anglais Dans ce paysage de campagne, rien de plus normal que d'y trouver des arbres, des moulins car la région est ventée. Les arbres sont légers, harmonieux, l'herbe verte et tendre est un paradis pour les jeunes poulains qui viennent de naître au printemps et qui trouvent ici un terrain de jeu idéal près de leur mère. Les dimanches dans la solitude sont souvent tristes pour Verlaine mais il se console en regardant jouer de grandes brebis douces comme jadis dans sa prison il regardait de sa cellule, un arbre qui berçait sa palme comme une femme berce un enfant. Dans la dernière strophe, "Tout à l'heure déferlait l'onde" renvoie au retour des moutons, le soir dans leur bergerie car on attache à leur cou des clochettes. Le mot cloche est ici utilisé pour amplifier le son collectif du troupeau. Le troupeau de moutons, habituellement lent, accélère et déferle le soir pour rentrer à la bergerie, longe des haies sinueuses donnant à leur trajet la forme d'une spirale. La flute est ici empruntée à la mythologie dans laquelle les faunes et les bergers jouaient de la flute. III-La vie avec Mathilde à reconquérir Ce qui est frappant dans ce poème, ce sont les répétions de termes à chaque strophe. Dans la première strophe, l'adjectif clair employé d'abord au féminin lorsqu'il qualifie la mer et au masculin en adjectif de brouillard, met en avant la prépondérence du féminin, ici en enjambement, en désunion, sur le masculin. C'est une intention volontaire de Verlaine à l'intention de Mathilde à laquelle ce texte est destiné pour lui dire que maintenant il veut rester derrière elle comme un mouton et la suivre. Dans la seconde strophe on trouve tendre et s'étendre (rime), ce qui confirme la volonté de Verlaine de revenir vers elle, puis dans la troisième strophe le terme aussi est utilisé en adverbe pour signifier également après jouer et pour exprimer une égalité dans "De grandes brebis aussi douces que leur laine blanche. Ces répétitions sont des insistances de Verlaine pour mettre l'accent sur les termes qu'il privilégie, par un jeu d'assonances et d'allitérations difficile cependant à réaliser dans un texte aussi court. On retrouve le plus souvent la douceur du "s" et le son "ai" du bêlement de l'agneau. Verlaine associe constamment la blancheur à la pureté, à la douceur, par la laine blanche, le ciel blanc. Cette couleur est douce au regard et donc au toucher. Verlaine a retrouvé dans cette campagne anglaise la pureté des jeunes poulains ou des jeunes agneaux qui batifolent près de leur mère autour des fermes. Conclusion Dans L'échelonnement des haies, poème écrit pour séduire Mathilde en vue d'une reconciliation, Verlaine utilise ce qui est souvent le cas en poésie toutes les connotations des mots. Malgré la simplicité du vocabulaire, Verlaine réalise ici un poème d'amour pour Mathilde et réussit à nous convaincre qu'il a réellement changé, se prenant de passion pour la campagne qu'il exécrait jadis contrairement à son ami Rimbaud qui lui n'était heureuxx qu'en battant la campagne. Dans ce poème Verlaine met tous nos sens sont en éveil, la vue avec les images visuelles qui se succèdent, les odeurs avec celles des baies, les sons avec les cloches autour du cou des moutons, le toucher avec la douceur de la laine. "L'échelonnement des haies" est un magnifique poème qui méritait bien d'être sujet de Bac 2006 même pour des sections littéraires. Vocabulaire L'historique
de la liaison Verlaine/Rimbaud |
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