
Cliquer pour agrandir
Arthur Rimbaud
Poème :
L'espoir luit comme un brin de paille dans l'étable
"L'espoir luit comme un brin de paille" est
le texte III de la 3ème section de "Sagesse" (juste avant Gaspar
Hauser).
L'espoir
luit comme un brin de paille dans l'étable.
Que crains-tu de la guêpe ivre de son vol fou
?
Vois, le soleil toujours poudroie à quelque trou.
Que ne t'endormais-tu, le coude sur la table ?
Pauvre
âme pâle, au moins cette eau du puits glacé,
Bois-là. Puis dors après. Allons, tu vois je reste,
Et je dorloterai les rêves de ta sieste,
Et tu chantonneras comme un enfant bercé.
Midi
sonne. De grâce, éloignez-vous, madame.
Il dort. C'est étonnant comme les pas de femme
Résonnent au cerveau des pauvres malheureux.
Midi
sonne. J'ai fait arroser dans la chambre.
Va, dors ! L'espoir luit comme un caillou dans un creux
Ah, quand refleuriront les roses de septembre ! |
Éléments
de syntaxe :
Verlaine préfère coordonner les éléments de
la phrase (le plus souvent par et) plutôt que les subordonner. La
coordination convient mieux au rendu des sensations vagues ou des impressions
éphémères que les conjonctions de subordination,
mieux adaptées au maniement des concepts. Par exemple lorsque Verlaine
évoque son idéal féminin dans " Mon rêve
familier " ou ici " Et je tremble..", " Et qu'il vous
suffirait d'un geste".
Commentaire
rédigé
C'est le souvenir de Rimbaud que reconstitue Verlaine dans ce sonnet
en alexandrins comme la plupart des poèmes de Sagesse. Après
l'incident du pistolet de 1873 et l'emprisonnement à la prison
de Mons pendant deux années, Verlaine après s'être
converti à la religion catholique souhaite revoir Rimbaud, ce qu'il
fera d'ailleurs à Stuttgart en 1875. Comme Chateaubriand, il a
"pleuré et il a cru", il pardonne à son ami et
souhaite revoir l'adolescent qu'il aime toujours. Le poème débute
sur un formidable espoir avec une allusion à la nativité,
la paille de la crèche et le formidable espoir de cette naissance
et se termine dans l'ambiguïté par un espoir qui luit comme
un caillou dans un creux, allusion lapidaire à quelque pierre précieuse
ou au charbon noir que nous retrouvons dans le le poème Faim
d'une saison en enfer " Si j'ai du goût, ce n'est
guère Que pour la terre et des pierres. Je déjeune toujours
d'air, De roc, de charbon, de fer.
I-L'espoir
de revoir et convertir Rimbaud
" L'espoir luit comme un brin de paille " rappelle le poème
" Je ne sais pourquoi " et fait partie de la 3ème section
du recueil " sagesse " publié en 1881 qui commence par
ces vers " Désormais le Sage, puni Pour avoir aimé
les choses". Le poème a été écrit en
prison où Verlaine a été incarcéré
pour avoir tiré sur son ami Rimbaud. Dans le poème suivant
de Sagesse, Gaspard Hauser, il nous invite à prier pour
lui et dans le poème suivant encore il écrit " Un grand
sommeil noir Tombe sur ma vie ", " Dormez, tout espoir ".
Verlaine est dans le noir dont il reconnaît avoir la plus
grande peur. Il s'adresse à sa conscience dans un style familier
" Que crains-tu ? " et nous donne des indices sur celui
qui lui fait peur, c'est Rimbaud. La guêpe ivre, le vol fou
sont des termes ou des expressions des poèmes les plus célèbres,
le " bateau ivre " ou le " A, noir corset velu des mouches
éclatantes" de voyelles, le sommeil est celui du " dormeur
du val ", le coude sur la table, c'est la position favorite de Rimbaud.
Verlaine reconnaîtra après la mort de son ami que Rimbaud
est une réalité toujours vivante, un soleil qui flambe en
lui, qui ne veut pas s'éteindre.... Verlaine pallie l'absence de
Rimbaud par ruse, car ce dernier obsède ses pensées et constitue
la seule lumière dans son univers morose. La seconde strophe est
une reconstitution d'un passé vécu avec Rimbaud, le coude
sur la table. Il lui parle, lui donne des ordres, "Bois l'eau et
dors", invite Mathilde, déjà égratignée
dans Romanes sans paroles à se retirer. La pauvre âme pâle
qualifie celle d'un agnostique, l'eau du puits, celle de la purification.
II-Une
lueur dans l'univers carcéral
Pour Verlaine Rimbaud demeure un être surnaturel. Depuis
son univers carcéral, Verlaine s'ingénue à créer
des percées, à chercher une issue. Il transmute l'image
oppressante du " caveau " cellulaire amèrement nommé
" berceuse" en l'image protectrice d'un vrai berceau pour
l'âme, un cocon plein de rêves et de voix, dans lequel la
malfaisante Mathilde est exhortée à s'éloigner. Celui
qu'il admirait par-dessus tout est probablement l'unique auteur de sa
conversion, de sa grâce et ne doit rien à quelque aumônier
de sa prison. Mais Verlaine a lu l'exemplaire d'une saison en Enfer que
Rimbaud lui a dédicacé, et surtout le poème " Mauvais sang ". dans lequel Rimbaud se décrit assez
fidèlement descendant de gaulois dont il en a hérités
tous les vices. Le retour de Rimbaud et sa conversion constituent
un bien mince espoir.
Conclusion
Les roses de septembre, en souvenir de leur première rencontre
en septembre 1871 (et pas 1869 comme j'ai pu lire) sont bien fanées.
L'espoir d'une réconciliation entre Verlaine et Rimbaud s'est définitivement
éloignée avec la parution d'une saison en enfer.
L'entrevue de Stuttgart en février 1875 tournera rapidement à
la bagarre et marquera la rupture définitive d'une liaison commencée
quatre ans plus tôt. Verlaine continuera pendant six ans à
plaire à Dieu, une vertu réelle, un effort bel et bon et
continuera à se tenir informé de son ami " l'homme
aux semelles de vent ".
L'historique
de la liaison Verlaine/Rimbaud
En septembre 1871, Rimbaud débarque à Paris, invité
par Verlaine à qui il a envoyé ses poèmes. Verlaine,
de 10 ans plus âgé que lui, est fasciné et tombe sous
le charme. Rimbaud, lui, voit en Verlaine un compagnon capable de le suivre
dans sa quête de Voyant, et considère son homosexualité
comme une étape de son expérience de la connaissance universelle.
Hélas
! Verlaine est un être soumis, tiraillé entre l'amour qu'il
éprouve pour sa femme Mathilde et sa passion pour Rimbaud.
Ils vivront moins de deux ans ensemble, vie commune qui s'achèvera
par un drame. A la suite de différents Verlaine quitta seul Londres et Rimbaud sur son insistance le rejoignit à Bruxelles
le 8 juillet. A quatre heures le 10, Verlaine entra dans la chambre, ivre,
un pistolet au poing qu'il venait d'acheter chez l'armurier de la galerie
Saint-Hubert. Pour l'empêcher de partir, il tira sur Rimbaud et
le blessa au poignet gauche. Rimbaud se fit mettre un bandage,
et, désirant toujours retourner à Paris, se rendit à
la gare du Midi. Mais sur le chemin, un faux geste de Verlaine alarma
Rimbaud, fiévreux : il prit peur qu'il sortit à nouveau
son revolver et appela un agent de police. Tous deux furent conduits
au poste pour un premier interrogatoire par le commissaire, suivi d'autres,
de dépositions et de déclarations, puis finalement de l'acte
de renonciation de Rimbaud.
Verlaine fut incarcéré à la prison de Mons.
Rimbaud, quant à lui, retourna chez lui, dans les Ardennes, et
y écrivit Une saison en enfer. Rimbaud s'enfuira ensuite en Europe puis en Afrique et effacera son existence
passée dont il parlera une fois comme de " souillures ".
Verlaine, lui, ne l'oubliera jamais, et contribuera à la postérité
de l'uvre de son ancien amant.
Liste des poèmes de Sagesse
Préface de la première édition
I
I-Bon chevalier masqué ...
II-J'avais peiné comme Sisyphe ...
III-Qu'en dis-tu, voyageur, ...
IV-Malheureux ! Tous les dons, ...
V-Beauté des femmes, ...
VI-Ô vous, comme un qui boite ...
VII-Les faux beaux jours .. .
VIII-La vie humble ...
IX-Sagesse d'un Louis Racine, ...
X-Non. Il fut gallican, ...
XI- Petits amis qui sûtes ...
XII-Or, vous voici promus, ...
XIII-Prince mort en soldat ...
XIV-Vous reviendrez bientôt, ...
XV-On n'offense que Dieu ...
XVI-Écoutez la chanson ...
XVII-Les chères mains ...
XVIII-Et j'ai revu l'enfant unique ...
XIX-Voix de l'Orgueil ...
XX-L'ennemi se déguise ...
XXI-Va ton chemin ...
XXII-Pourquoi triste, ô mon âme ...
XXIII-Né l'enfant ...
XXIV-L'âme antique était rude ...
II
I-Ô mon Dieu ...
II-Je ne veux plus aimer ...
III-Vous êtes calme, ...
IV-1-Mon Dieu m'a dit ...
IV-2-J'ai répondu : " Seigneur, ...
IV-3-Il faut m'aimer ! ...
IV-4-Seigneur, c'est trop ! ...
IV-5-Il faut m'aimer. Je suis ces Fous ...
IV-6-Seigneur, j'ai peur...
IV-7-Certes, si tu le veux mériter ...
IV-8-Ah ! Seigneur, qu'ai-je ? ...
IV-9-Pauvre âme, c'est cela !
III
I-Désormais le Sage ...
II-Du fond du grabat ...
III-L'espoir luit comme un brin de paille dans l'étable
IV-Gaspard Hauser chante ...
V-Un grand sommeil noir ...
VI-Le ciel est, par-dessus le toit ...
VII-Je ne sais pourquoi ...
VIII-Parfums, couleurs, ...
IX-Le son du cor s'afflige ...
X-La tristesse, la langueur ...
XI-La bise se rue à travers ...
XII-Vous voilà, vous voilà, ...
XIII-L'échelonnement des haies ...
XIV-L'immensité de l'humanité ...
XV-La mer est plus belle ...
XVI-La " grande ville " ...
XVII-Tournez, tournez, bons c hevaux de bois,..
XVIII-Toutes les amours de la terre ...
XIX-Sainte Thérèse veut ...
XX-Parisien mon frère ...
XXI-C'est la fête du blé, ...
|