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Le bleu de la mer, les bateaux, le rêve
Poème :
En bateau
" En bateau" est le 13ème poème sur 22 de "Fêtes galantes"
La liste des poèmes des fêtes galantes
L'étoile du berger tremblote
Dans l'eau plus noire et le pilote
Cherche un briquet dans sa culotte.
C'est l'instant, Messieurs, ou jamais,
D'être audacieux, et je mets
Mes deux mains partout désormais !
Le chevalier Atys, qui gratte
Sa guitare, à Chloris l'ingrate
Lance une œillade scélérate.
L'abbé confesse bas Eglé,
Et ce vicomte déréglé
Des champs donne à son cœur la clé.
Cependant la lune se lève
Et l'esquif en sa course brève
File gaîment sur l'eau qui rêve. |
Cinq tercets écrits en octosyllabes (vers pairs de 8 syllabes) avec des connotations musicales, guitare, des silences (confessions)
Poèmes des fêtes galantes
1-Clair de lune
2-Pantomine
3-Sur l'herbe
4-L'allée
5-A la promenade
6-Dans la grotte
7-Les ingénus
8-Cortège
9-Les coquillages
10-En patinant
11-Fantoches
12-Cythère
13-En bateau
14-Le faune
15-Mandoline
16-A Clymène
17-Lettre
18-Les indolents
19-Colombine
20-L'amour par terre
21-En sourdine
22-Colloque sentimental
Plan
de commentaire
En bateau est le treizième poème des fêtes
galantes. Le titre fait penser au tableau de Watteau "L'embarquement pour Cythère", exposé au Louvre. Dans ce poème on retrouve le thème de la rencontre amoureuse, du jeu de la séduction déjà présent dans d'autres poèmes des fêtes galantes "A la promenade", "Cortège", "Cythère", "Colloque sentimental". Verlaine reprend dans ce poème le même
ton désabusé et désenchanté de l'amour à
travers un groupe de personnages qui manque assurément d'enthousiasme.
I- Le libertinage amoureux.
En bateau, c'est l'embarquement immédiat pour l'île des
plaisirs, des rencontres amoureuses qui pourrait être Cythère.
Cythère, autre poème des fêtes galantes est une île
grecque où se trouve le sanctuaire d'Aphrodite, déesse de
la beauté et de l'amour.
Verlaine nous dépeint cette atmosphère propice à
la séduction, une ambiance indécise et lunaire. L'embarquement
se fait dans le soir crépusculaire modestement éclairé
par l'étoile du berger, la planète Vénus, planète
visible dès le coucher du soleil. Les lieux sont obscurs, Baudelaire
nous avait parlé d'une île triste et noire, Verlaine reprend
la couleur, l'eau y est est noire, comme un sinistre présage. Le
tremblement est l'image de l'équivoque, de l'imprécision,
de l'indécision, thématisé dans le décor mais
aussi dans l'attitude des personnages. A l'indécision des passagers
s'ajoute la confusion chez le pilote qui cherche quelque chose pour s'éclairer.
Verlaine ajoute une note érotique au poème avec cette étoile
du berger, Vénus, déesse de l'amour, l'attitude des maints.
Pour assouvir ses passions, il faut faire preuve d'audace et ne pas rester
indolent. Les deux personnages centraux, un chevalier et un abbé
sont ici à contre emploi. Atys dans la littérature
ou la musique est amoureux de la nymphe Sangaride, promise
à un autre, mais il est aimé d'une déesse
qu'il n'aime pas. Eglé est amoureuse du roi d'Athènes
Thésée qui la retient captive. Verlaine
reprend ici quelques amours impossibles de la littérature.
II- L'amour, la perdition
Qui n'a jamais rêvé, dans sa solitude, de faire une belle
rencontre amoureuse ? Le rêve pour Verlaine, c'est
un mirage, toute sa vie il essaiera d'y échapper.
Le rêve est souvent associé à l'inaction, à
la paresse, "arrête de rêver, travaille" entend-on
souvent. Pour Verlaine, le rêve est un exode, une
sorte de mort pour les vivants qui les arrache à eux-mêmes
sans pour autant leur donner la paix. Les rêves représentent
bien moins les délices imaginaires qu'un refuge
contre une difficulté d'être. Tous les combats de Verlaine
se résumeront à cet antagonisme, cet écartèlement
entre rêve et réalité, à une
lutte contre cette illusion de paradis artificiels. La présence
d'un abbé à destination de l'île
des rencontres amoureuses, peut paraître étrange,
il n'est pas là pour chercher l'âme sur mais pour recevoir
les confessions des uns et des autres, et pourquoi pas favoriser les rencontres.
Verlaine ajoute, qu'il s'agit d'un artifice, que la confession n'est qu'un
tremplin pour donner libre cours, la clé des champs, à
son cur. On retrouve le thème constant des fêtes
galantes, une sorte de danse macabre ou la séduction féminine
entraîne les hommes vers un destin fatal. Dans
le second personnage, le chevalier, à travers son existence ludique,
il joue de la guitare, se cache une souffrance, une indécision.
L'illade assassine n'est pas l'illade amoureuse
mais rien d'autre qu'une volonté de tuer qui n'ose
pas s'assumer. C'est un chevalier qui doute, un héros réduit
ici au rôle de modeste soupirant, dont l'idéal
est de faire régner l'ordre, mais qui n'oserait pas se battre ou
tuer son adversaire.
III- Le rêve
Verlaine transpose dans l'écriture la sensibilité
devant une peinture recréant ainsi le rêve que l'on peut
faire devant un tableau. Dès le premier vers par
l'allitération en "b" qui reproduit le moteur d'un bateau,
nous avons l'illusion d'un départ, nous sommes arrachés
à la réalité et nous nous prenons à rêver.
Ce climat de rêve termine aussi le poème, l'eau qui rêve
est un paysage prétexte à l'état d'âme cher
à Verlaine, le rêve aurait été communiqué
par la nature. Le retour des mêmes sonorités
dans chaque tercet contribue à produire sur le lecteur un effet
d'incantation, d'envoûtement, d'hypnose.
Cette incantation phonique est remarquablement dure dans les quatre premiers
tercets "ote", "ai", "atte", "é",
puis beaucoup plus douce dans le dernier tercet " "ève"
comme pour marquer un endormissement final.
Conclusion
Dans ce poème "En bateau", tout porterait à croire
à un départ vers milieux enchanteurs, idylliques.
Or c'est à une autre réalité que l'on assiste. Dans
un décor marin, c'est toute l'ironie de Verlaine
sur des soupirants à la recherche d'un eldorado amoureux.
A travers la métaphore du paysage marin qui berce les navires,
Verlaine nous dépeint tous les artifices mais
aussi les illusions d'une société à la recherche
de plaisirs.
Vocabulaire
Atys
Atys ne veut ni ne peut aimer. La nymphe Sangaride, fille du fleuve Sangar, aime Atys mais doit épouser Célénus, le roi de Phrygie. Atys surprend sa détresse et lui offre son amour. Survient alors la déesse Cybèle, descendue sur terre pour assister au mariage. Amoureuse d'Atys, elle plonge ce dernier dans un profond sommeil et lui dévoile sa flamme. A son réveil, le jeune homme est bien embarrassé ; que faire ? C'est la nymphe qu'il veut, pas la déesse ! Les deux amants décident malgré tout de se jurer fidélité. Atys, grand sacrificateur de Cybèle, va trouver Sangar et lui ordonne d'annuler le mariage de sa fille. Furieux, Célénus et Cybèle décident de se venger. La déesse envoûte Atys. Celui-ci tue Sangaride en la prenant pour un monstre. Lorsque le jeune homme recouvre la raison, il tente de se suicider, mais Cybèle le transforme en pin puis se met à pleurer beaucoup devant l'étendue du désastre
Eglé
Fille de Pallas, Thésée roi d'Athènes tient captive Eglé, qui l'aime en secret et se flatte d'en être aimée. Les Pallantides, frères d'Eglé, assiègent Athènes pour reprendre leur sœur, avec le secours d'Antiope, reine des Amazones. Thésée, qui est amoureux d'Antiope, apprend avec une douleur mêlée d'un secret plaisir que l'ennemi, à la faveur de la nuit, s'est introduit jusque dans la ville. Au second acte, Thésée a repoussé Pallantides et Amazones. Pirithoüs fait à Eglé une déclaration sans effet, et lui met le désespoir au coeur en lui apprenant les amours réciproques d'Antiope et de Thésée.
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