26/09/2023

Verlaine expliqué : Fêtes galantes


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Paul VERLAINE : Les ingénus (1869) Fêtes galantes




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Jeunes filles dansant un menuet (une chaîne)

Poème : Les ingénus

" Les ingénus " est le 7ème poème sur 22 de Fêtes galantes.

La liste des poèmes des fêtes galantes

Les hauts talons luttaient avec les longues jupes,
En sorte que, selon le terrain et le vent,
Parfois luisaient des bas de jambes, trop souvent
Interceptés ! - et nous aimions ce jeu de dupes.

Parfois aussi le dard d'un insecte jaloux
Inquiétait le col des belles sous les branches,
Et c'était des éclairs soudains de nuques blanches,
Et ce régal comblait nos jeunes yeux de fous.

Le soir tombait, un soir équivoque d'automne :
Les belles, se Pendant rêveuses à nos bras,
Dirent alors des mots si spécieux, tout bas,
Que notre âme depuis ce temps tremble et s'étonne.

Les 22 poèmes de Fêtes galantes
>1-Clair de lune
2-Pantomine
3-Sur l'herbe
4-L'allée
5-A la promenade
6-Dans la grotte
8-Cortège
9-Les coquillages
10-En patinant
11-Fantoches
12-Cythère
13-En bateau
14-Le faune
15-Mandoline
16-A Clymène
17-Lettre
18-Les indolents
19-Colombine
20-L'amour par terre
21-En sourdine
22-Colloque sentimental

Plan de commentaire
Les ingénus sont le septième poème des fêtes galantes. Le titre à lui seul indique des personnages qui parlent d'une innocente franchise sans rien dissimuler de leur pensées et de leurs sentiments. Verlaine reprend dans ce poème le même ton désabusé et désenchanté de l'amour à travers un groupe de jeunes premiers et de "belles rêveuses" présentées comme cruelles font rimer jupe avec dupe.

I- Le libertinage amoureux, jeu de dupes
Ce poème en alexandrins traite comme les autres poèmes des fêtes galantes, de la recherche de l'amour vue sous un jour superficiel. Affublées de toilettes raffinées, les marquises Louis XV semblent plus cacher une poupée en celluloïd que l'Eve éternelle. Déjà dans le poème "L'allée" Verlaine nous présentait la femme" fardée et peinte" , "frêle parmi les nœuds de rubans" et "avec mille façons et mille afféteries qu'on garde d'ordinaire aux perruches chéries". Dans cette atmosphère de libertinage sophistiqué, les sentiments se résument au jeu de cache-cache de la coquetterie dans laquelle la quête amoureuse n'est qu'un amusement, un plaisir de l'esprit dans lequel on ne vit qu'à la surface de soi-même. Le jeu de cache-cache avec "les hauts talons" et "les longues jupes" dont le mouvement amplifié par l'allitération des liquides "l" devient paradoxalement sous l'effet du vent et des irrégularités du terrain une lutte permanente pour les amantes, se termine en plaisir innocent pour les jeunes premiers sous la forme d'une image sensuelle fugitive vite "interceptée". Dans la seconde strophe l'ironie du poète se manifeste à travers "un insecte jaloux" qui malgré sa modeste taille obtient un même résultat.

II- Le pittoresque des aventures galantes
On retrouve dans ce poème tout le caractère artificiel des recherches amoureuses avec les mises en valeur traditionnelle des personnages. L'habillement des femmes, les hauts talons, les longues jupes suggèrent habituellement l'élégance et la légèreté. Quand nous cherchons à nous représenter les longues jupes des femmes, nous les voyons toujours se soulever et voltiger gracieusement. Ici ces artifices sont à contre-emploi et ridicules, les longues jupes qui subissent généralement l'action du vent luttent avec les talons pour conserver équilibre et grâce. On retrouve également dans ce poème le plus essentiel de l'impressionnisme verlainien. Verlaine cueille les éléments en une série de flashes discontinus, comme les peintres impressionnistes. L'instantané du coup d'œil qui saisit un bas de jambe qui se dénude soudainement sous l'effet du vent ou un nuque vite découverte pour chasser un insecte se prolonge dans les sensations qu'il provoque.

III- A la recherche de la femme idéale

Dans cette comédie légère de l'amour la femme apparaît sous un aspect frivole et cruel. La scène finale est l'occasion pour Verlaine de transposer ses propres aspirations. Verlaine n'a rien oublié de son chagrin d'amour et de ses avances repoussées par Elisa quelques années plus tôt. Les "belles, se Pendant rêveuses à nos bras" ont le chant des sirènes, leurs propos n'ont que l'apparence de la vérité et peuvent tromper celui qui serait assez niais, assez ingénu pour considérer vrai et sincère ce qui n'en a que l'apparence. Le dernier vers trahit chez Verlaine la nostalgie évidente de la femme idéale, complice, qu'il recherchera toute sa vie. Son étonnement et sa crainte qui affleurent en fin de poème porte sur la duplicité féminine qui ne se présente que sous une apparence différente de ce qu'elle est réellement et dont il pourrait avoir été victime.

Conclusion
Verlaine s'interroge dans son poème sur l'amour absolu qu'il recherchera toute sa vie et ne trouvera qu'en rêve. La réalité lui apparaît comme un jeu de dupes dans lequel les femmes présentent des apparences trompeuses qui induisent en erreur les jeunes gens crédules et ingénus.

Vocabulaire

Spécieux :

Se dit de ce qui n'a qu'une apparence de vérité mais est susceptible de tromper. Syn : fallacieux.

Ingénu :
Qui agit, parle avec une innocente franchise, sans rien dissimuler de ses pensées ou de ses sentiments. Syn : candide.

Affèterie :
Recherche excessive ou prétentieuse dans les manières.

Libertin :
Qui mène une vie dissolue mais raffinée.

Sirène :

Démon marin femelle représenté sous la forme de poisson avec tête et poitrine de femme dont les chants séducteurs provoquaient des naufrages.

Ouvrage recommandé
Clair de lune, Mandoline, En sourdine, Colloque sentimental sont expliqués dans l'ouvrage de M Barlow, J Dubosclard, B. Reveyrand Fêtes galantes et autres recueils dans la collection Profil Bac de chez Hatier.


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